Conseil municipal du 22 février
2013 : COMMISSARIAT
Déclaration de
Dialogues à Gauche
Monsieur le Préfet, Monsieur le
Maire, Mesdames, Messieurs,
Je n’ai guère de questions à vous
poser, Monsieur le préfet, puisque vous êtes venu nous expliquer ce que nous
savions déjà par la presse, soit « les modalités de la
réorganisation ».
Une question toutefois :
Monsieur le maire vous a demandé, si j’en crois la Nouvelle République du 31
janvier, un engagement sur le maintien de la sous-préfecture. Pourriez-vous ce
soir confirmer son maintien quoiqu’il arrive ?
Vous êtes donc venu nous
« expliquer », faire de la pédagogie, tenter de faire comprendre et
accepter l’inacceptable, détailler le « comment », parce que le
pourquoi est absurde et donc caché. C’est un exercice auquel nombre de hauts
fonctionnaires ont été contraints ces dernières années, par exemple à
l’éducation nationale, et dont j’ai malheureusement été souvent témoin dans les
instances où j’ai pu siéger.
Toutefois, je vous remercie
d’être venu pratiquer cet exercice difficile ; c’est finalement la différence
entre le privé et le public depuis une
bonne dizaine d’années : les politiques suivies se rejoignent, mais on ne
verra jamais un membre de la famille Lagardère, pour Matra, ou un dirigeant
européen de Carrier s’expliquer dans l’enceinte du conseil municipal, alors que
vous, vous êtes là. C’est beau, c’est digne, mais cela ne justifie rien pour
autant.
Que tente-t-on d’expliquer depuis
10 ans, et depuis quelques semaines pour le commissariat, à ceux qui peinent à
comprendre ?
L’explication combine deux
stratégies :
La
première, c’est qu’avec moins (des effectifs en moins), on fait bien sûr des
économies (c’est bon pour la France, la dette, etc.) et qu’en plus,
miracle, on fait plus et mieux, on est plus efficace dans le service rendu
aux usagers. Aujourd’hui, vous nous dites que la réforme de M. Valls n’est pas
pilotée par le souci de faire des économies. Mais s’il a besoin de redéployer
vers les grands centres urbains, c’est bien qu’un nombre de postes suffisant
n’est pas créé à l’échelle nationale.
Dans la NR du 30 janvier, vous
parliez « d’une meilleure organisation opérationnelle avec un niveau de
sécurité au moins équivalent, si ce n’est meilleur ».
Il suffit de lire le rapport de
la Cour des Comptes d’octobre 2011 commandé par la commission des finances de
l’Assemblée nationale, rapport sur les politiques de redéploiement
police-gendarmerie, pour invalider les arguments précédents. En effet, le taux
de remplacement des policiers par les gendarmes dans les 48 commissariats
supprimés (41 en 2003/2006 et 7 en 2011) est estimé à 70 %.
Toutefois, pour des questions indemnitaires et
de logement, notamment, (+ policiers municipaux), il ne faut pas en conclure à
des économies. Le ministère est, selon la Cour des comptes, je cite page 35
« dans l’ignorance du coût global des mesures de redéploiement et
d’accompagnement des personnels ». Plus loin, page 41, le rapport ajoute
que l’évaluation de l’efficacité (et non plus seulement des coûts) est
difficile et peu concluante ».
Au final : aux questions :
combien de personnes concernées ? pour quel coût ? avec quelle
efficacité par rapport aux objectifs annoncés ? A ces questions, il
n’y a pas de réponse officielle et sérieuse. J’ajoute qu’aucune enquête publique
sur le ressenti des agents et des populations après redéploiement n’a été
conduite dans les communes concernées. On comprend pourquoi ! elle
risquerait de converger avec ce que ressentent les salariés et les usagers,
quand une classe maternelle passe à 30 élèves ou quand le courrier n’est plus
distribué tous les jours ou l’est en milieu d’après-midi (exemples
romorantinais récents) : ce vécu, c’est celui de la souffrance au travail
d’un côté, de la colère de l’autre (celui des usagers).
Ce n’est donc pas à partir d’un
état des lieux sérieux (la gendarmerie fait-elle mal son travail à
Vineuil ? la police à Romorantin ?), pas plus qu’à partir d’un bilan
crédible des changements opérés depuis 10 ans, qu’on s’apprête à enclencher une
troisième vague de redéploiement, dont le commissariat de Romorantin fait
partie.
Dans les discours officiels
eux-mêmes, cet argument du « plus d’efficacité avec un coût diminué »
ne s’emploie pas ou plus seul, tant il se heurte au vécu du terrain et à la
réalité des chiffres. Il doit donc se combiner avec un autre argument, presque
contradictoire.
C’est
la deuxième stratégie explicative pour faire accepter l’inacceptable :
non plus faire plus avec moins, mais moins c’est plus (puisqu’on admet sans
doute qu’il faut être plus pour faire plus), la multiplication miraculeuse des
agents par transformation des soustractions en additions. Ainsi, à Romorantin,
aux 25 gendarmes qui remplaceront au sens strict les 48 policiers (au sens
strict ? avec des nuances, il n’est pas exclu qu’on fasse appel à eux pour
des interventions au nord de Romorantin : Vernou, Courmemin etc. a ce serait plus « opérationnel » que
d’appeler ceux de Selles-sur-Cher.
On ajoute sans doute, sans
sourciller, les 8 gendarmes supplémentaires du PSIG et celui, supplémentaire,
de la brigade des recherches, dont la zone d’intervention peut être celle de la
compagnie entière.
C’est ainsi qu’on arrive à 34
nouveaux gendarmes que l’on compare aux 48 policiers qui n’interviennent que
sur Romorantin. On compare donc ce qui n’est pas comparable. Mais comme cela ne
suffit pas pour atteindre 48, on ajoute les 24 gendarmes déjà là mais qui ne
sont pas dédiés à Romorantin.
C’est à ce compte-là qu’on
atteint 58, et donc plus de gendarmes que de policiers. Il y a donc bien
mystification et enfumage de la population. C’est d’ailleurs ce que confirme la
Cour des comptes que je cite une dernière fois. Je cite, page 30 :
« En pratique, le maintien
des effectifs dans les cas de transferts de la police à la gendarmerie a été
obtenu par deux moyens » – voici le deuxième qui concerne
Romorantin : « en localisant dans la commune affectée des unités
ayant une compétence sur l’ensemble de la communauté de brigade,
l’arrondissement, voire le département » – Plus loin, le texte dit que le
maintien n’a ainsi été réalisé qu’en « apparence ». Comme chacun
sait, dans ce contexte, l’apparence est le contraire de la réalité.
L’analyse des arguments employés
pour justifier le redéploiement dévoile donc un tour de passe-passe :
économie incertaine, efficacité non mesurée, manipulation des chiffres. A ce
tour-là, peu d’élus locaux se laissent prendre !
C’est ainsi qu’à St Gaudens,
concerné par le même projet, le sénateur socialiste déclare :
« Gouvernement de gauche ou pas, je refuse une telle décision. A partir du
moment où nous acceptons la concertation, c’est comme si nous acceptions la
fermeture et nous disions prêts à en discuter les modalités ». Et hier,
jeudi 21, plus de 1 000 personnes ont défilé, avec l’intersyndicale des
policiers, en présence du maire, du député, et avec le soutien du président du
Conseil général. C’est ainsi encore qu’à Dinan, la pétition est signable au
commissariat et en mairie.
Se pose alors la question :
et nous, à Romorantin, qu’avons-nous fait en tant qu’élus ?
Je m’adresse à vous, Monsieur le
maire. Depuis le début, on vous sent hésitant, entre la condamnation et
l’acceptation, avec une forte tendance à pencher vers la deuxième. Car si d’un
côté vous avez fait voter un texte le 5 novembre, condamnant une éventuelle
fermeture, et si, le 31 janvier, vous déclarez à la NR : « je me bas
jusqu’au bout pour le commissariat. C’est mon rôle », de l’autre, vous
vous déclarez successivement, et avec un certain crescendo, vers
l’acceptation : le 31 janvier : « nous sommes dans le cadre d’une
politique nationale que je soutiens, mais je n’ai pas de chance » ;
le 2 février : « je fais contre mauvaise fortune bon cœur », et
le 3 février : « je suis d’accord avec la politique de redéploiement
de Manuel Valls qui est un ami ».
C’est dans cette logique que vous
avez cru bon de m’adresser un courrier, le 4 février, dans lequel vous me
dites : « chacun comprendra que vous voulez faire du tohubohu pour des raisons partisanes et
électoralistes ». Je vous rétorque simplement qu’en matière d’électoralisme,
j’étais dans la manifestation il y a10 ans et que j’y serai le 9 mars prochain.
J’ai donc des principes, ce qui est le contraire de l’électoralisme, simple
adaptation aux circonstances par calcul ; en matière de « raisons
partisanes », je suis du parti de notre ville et des services publics et
non de celui de M. Valls.
Quant au terme de
« tohu-bohu », il y a là une manière clanique chez ceux qui sont
quelque peu portés vers la tyrannie de renvoyer au désordre et au bruit les
opinions différentes, ce qui est indigne en démocratie. Croyant avoir fait mon
portrait par cette phrase, vous avez fait simplement le vôtre. Je vous demande
donc de retrouver votre calme, votre raison, et d’être à l’écoute de la ville.
Et je fais, pour finir, les
demandes et les propositions suivantes, que j’ai le sentiment de ne pas faire
seul, puisque hier soir, 2 899
Romorantinais avaient déjà signé la pétition initiée par le Comité
citoyen de vigilance des services publics :
Premièrement, en raison des arguments énoncés
dans cette intervention et par respect pour les Romorantinais qui ont tant subi
depuis 10 ans, je demande à Monsieur le préfet de remettre un avis négatif, le
15 mars, au ministre de l’Intérieur ; Deuxièmement, je demande à Monsieur le maire de mettre au vote du conseil municipal, ce jour,
le refus
de la fermeture du commissariat. On ne peut en effet considérer que la chose a
été faite le 5 novembre. Le 5, nous votions sur une éventualité. Aujourd’hui,
c’est sur une décision annoncée, et après explication.
ensuite de mettre au vote un appel du conseil
municipal à tous les Romorantinais à se joindre (comme fait en 2003) à la
manifestation du 9 mars, c’est-à-dire à participer, comme le disait Rimbaud, à
un « tohu-bohu triomphant ».
Merci Yvon pour ce texte rédigé avec brio : une argumentation excellente, une défense personnelle au service de la cause de Romorantin et de la culture pour dépasser le bas niveau de l'insulte, c'est encore une fois vraiment excellent !
RépondreSupprimerAurélia
Bravo! Merci de défendre une valeur très importante!
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