Télé (ma) Réalité…
(Ou comment berner l’Homo consumerus ?)
Onze minutes filmées par un réalisateur accordée
à notre maire, comment pouvait-il résister ? Grâce à Reine Claude, petite voix de la NR, on est au courant. Si cette dernière voit en notre sénateur-maire un
« homme-sandwich », loin de nous l’idée de le comparer à une
baudruche de réclame, résolu à faire l’article pour appâter le chaland !
Certes, en visionnant ces quelques onze minutes pendant
lesquelles Jeanny Lorgeoux se livre à un exercice de V.R.P. haut de gamme, on
pourrait avoir envie de sourire. Si cela était une farce, sinon une fiction… Mais
la réalité, elle, celle de l’envers du décor, est bien plus sinistre.
La démarche et le discours se veulent pourtant ancrés dans cette
réalité.
Mais, quelle réalité ? Celle d’un spot publicitaire
financé par un grand groupe privé, avec un sénateur-maire en vedette
américaine ?!
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« J'aime passionnément Romorantin. lorsque j'en parle, je me laisse parfois déborder par mon enthousiasme. Lorsque je dis " je ", je pense évidemment " nous " » |
D’aucuns pourraient penser que c’est là une bien singulière
manière de lancer sa campagne électorale… Campagne dont le slogan serait alors,
si j’ai bien tout compris : « Ma
ville, mon Leclerc ! »
La réalité d’une publicité donc. Une longue et savoureuse
publicité, payée par Leclerc, diffusée sur la chaîne « youtube » du
groupe, et vantant les mérites de « ce
beau projet (…) porté par Francis Maillet, ce chef d’entreprise
d’exception… » Et philanthrope, avec cela !!!
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Ah, les bienfaits douteux de la publicité ! |
M. le sénateur-maire feindrait-il d’ignorer les enjeux de cette
opération pour l’enseigne Leclerc ? Est-il concevable, qu’en dépit de son
immense culture et de sa longue expérience dans le domaine des affaires, notre
premier élu ne soit pas au fait des stratégies de prédation territoriale, à
l’œuvre dans les arcanes de la grande distribution ?
Petite explication de texte : il est, depuis plusieurs
années, admis que le bassin du romorantinais est, en termes d’implantation de
grandes surfaces commerciales, un territoire surdimensionné. De nombreuses
raisons y contribuent, aujourd’hui plus que jamais (crise économique, baisse de
la population, proximité de pôles commerciaux plus attractifs…)
Dans la mesure où, en terme de clientèle (donc de chiffres
d’affaires), il n’est, en l’occurrence, pas envisageable d’élargir l’assiette
territoriale, ne reste alors qu’une solution : la captation de celle des
enseignes concurrentes.
L’objectif de Leclerc n’est pas ici d’accroitre la clientèle
potentielle du bassin, mais bien de siphonner celle qui existe. Au détriment de
ses rivaux…
Phénomène qui est déjà l’œuvre, et constaté par tous les
romorantinais.
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Tout est une question de proportion, d'équilibre... |
Avec, au final, le désengagement programmé d’une, voire
plusieurs enseignes rivales, et donc la fermeture d’un ou plusieurs magasins… Et
combien d’emplois à la clé ? Car qui peut, aujourd’hui, raisonnablement croire
qu’il pourra en être autrement ? D’autant que ces enseignes concurrentes
ne manqueront pas de prendre appui et prétexte de cet engagement affiché des
pouvoirs publics locaux en faveur de Leclerc, pour justifier plus
confortablement de leur départ…
Dans cette guerre commerciale, à combien se monteront les
pertes collatérales, pour les romorantinais ?
Est-il également besoin de souligner que ce « beau projet pour la ville » ne va
en rien redonner du souffle au cœur de la cité. Il va, au contraire,
l’asphyxier un peu plus ! Le commerce de proximité à Romorantin se meurt à
petit feu depuis plusieurs années. Et quel est, aujourd’hui, le message envoyé
à nos artisans et commerçants ? Ceux-là-même qui se battent pour
préserver, contre vents et marée, un dynamisme commercial et touristique en
centre-ville.
Priorité à la grande distribution !!!
Quitte à proposer, au sein de la défunte « commission de
circulation », la mise en place de navettes pour desservir le nouveau
centre commercial ! Il n’y a, nous répète-t-on, ni argent, ni personnel
pour assurer le transport intra-muros de nos jeunes, de nos seniors, de nos
personnes à mobilité réduite, etc. En revanche, la mairie pourrait en trouver
pour se faire le « tour-operator »
de Leclerc. Les romorantinais apprécieront…
Au chapitre précité de la redynamisation du cœur de ville, la
municipalité table, en l’occurrence, sur deux nouveaux pôles, si l’on fait
exception de son école de musique personnelle.
D’un côté, une résidence pour seniors. Sans commentaire…
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Une ambiance, mais une ambiance ! |
De l’autre, « les
trois cheminées », un bar-lounge fantasmé, remède miracle à la
désertification du centre-ville !
Pour rappel, les deux Pubs « historiques » de
Romorantin, Le Lords et le Loch Ness sont morts et enterrés. Deux
boîtes de nuit ont mis la clé sous la porte en cinq ans ! On ne fait pas
revivre un quartier, ni respirer une population par simple injonction
municipale…
Le malaise est bien plus profond. Et il ne suffira pas d’encourager
les romorantinais à aller faire leurs courses dans une certaine enseigne pour y
remédier.
Emmanuel Labro