Compte-rendu du conseil municipal du vendredi 3 mai 2013
(par Yvon Chéry,
conseiller municipal)
Présentation
Le conseil municipal portait principalement sur la
fermeture du commissariat de police. Le conseil devait réglementairement se
prononcer pour ou contre la décision confirmée le 11 avril par le ministère de
l’Intérieur. Un refus unanime aurait entraîné la saisie automatique du Conseil
d’État, et donc le report de la décision pour plusieurs mois.
Dans une lettre ouverte aux élus, le syndicat
Alliance-Police leur avait demandé d’aller jusqu’au bout de la démarche de
refus. Le maire n’en a rien fait et a fait voter l’acceptation de la décision.
Toute son équipe a voté pour, sans un mot, les yeux baissés. Toutes les
oppositions ont voté contre. Donc, 28 pour, 5 contre.
Un citoyen qui s'aperçoit que tous les membres de la majorité votent selon la consigne la fermeture du commissariat. |
C’est Dialogues à Gauche qui a mené l’opposition
et l’argumentation. Les autres ont suivi. Chacun y est allé de sa demande pour
que le maire revienne sur sa position, mais en vain. Il s’est obstiné, a
proféré à notre encontre quelques compliments du style « menteur »,
pour finir par accuser le syndicat Alliance d’être responsable de la fermeture
du commissariat. Le monde à l’envers.
J’ai alors annoncé qu’après le vote, je quitterais
la séance pour ne pas cautionner cette attaque indigne. Une large majorité du public (dont plusieurs
policiers outrés) a fait de même.
Ce que Yvon a failli faire quand Monsieur le Sénateur-Maire, premier magistrat de la ville, annonce que les syndicats ont la responsabilité de la fermeture du commissariat. |
Depuis le conseil, le 8 mai, la NR a publié un
communiqué d’Alliance faisant état de 16 mails envoyés au maire depuis le 28
septembre, et restés sans réponse.
Déclaration de Dialogues à Gauche
« Pour la quatrième fois depuis le 5 novembre,
nous abordons la question de la fermeture du commissariat et vous souhaitez, M.
le maire, que ce soit la dernière, puisque vous proposez au conseil municipal
de prendre acte de la décision de fermeture confirmée par le ministre. Je ne
suis d’accord ni avec la décision du ministre ni avec votre proposition de
vote. Je m’en explique.
Je vais
laisser volontairement de côté le coût financier de cette opération de
substitution police/gendarmerie. En m’appuyant sur le rapport de la Cour des
Comptes de 2011, j’avais montré, lors du conseil du 22 février, ce qu’il en
est.
Je passe donc directement du coût de l’opération
au résultat qu’on peut en attendre, à son efficacité supposée. Le premier
point, qui frappe depuis le début, dans la présentation officielle de ce
dossier, que ce soit dans les médias ou au conseil municipal, par le préfet ou
par vous, M. le maire, c’est la constante manipulation des chiffres. La
présente délibération reprend sans retenue le tour de passe-passe qui consiste
à additionner ce qui ne s’additionne pas, afin de transformer les soustractions
en additions. Le vocabulaire choisi ne changera rien à l’affaire. Ainsi, les 34
postes créés ne sont pas en « sus des 24 militaires de la compagnie
déjà installés route d’Orléans », puisque les 24 en question travaillent
sur tout le sud du département, de Montrichard à Lamotte, et non pas sur la
ville de Romorantin. Et qu’en est-il des 34 ?
Première remarque : seront-ils 34 ou 31 comme
annoncé dans la lettre de Manuel Valls ? Deuxièmement, sur les 31 ou 34,
chacun sait que 25 seulement, à travers la brigade territoriale, travailleront
spécifiquement sur la ville ; les 9 autres, s’ils sont 9 (8 pour le PSIG
et 1 pour la brigade de recherches) travailleront comme les 24 autres sur tout
le sud du département.
J’ajoute à ce chapitre comptabilité que les
effectifs réels de la gendarmerie ne correspondent pas toujours aux effectifs
théoriques annoncés. Ainsi par exemple, les 12 actuels du PSIG ne sont dans les
faits que 10 : deux postes ne sont pas pourvus ! En résumé, des
effectifs incertains (31 ou 34 ?), dans lesquels on mélange ce qui ne peut
l’être, de toute façon inférieurs à la réalité actuelle (48 policiers) et qui
seront peut-être des effectifs théoriques et non réels …
Je suis stupéfait depuis le début de cette
présentation volontairement erronée des chiffres. Heureusement que mes
collègues professeurs de mathématiques n’enseignent pas cette arithmétique-là
dans les écoles de France !
J’en viens au service escompté avec ces effectifs
moindres. Bien sûr, il ne s’agit en rien de critiquer la gendarmerie ni de
jouer les uns contre les autres. Gendarmerie comme police font admirablement
leur travail ; elles ont seulement des domaines d’intervention différents,
des règles de fonctionnement différentes, une culture différente.
Ainsi, j’invite les membres du conseil à prendre
avec précaution et sans naïveté la phrase de la délibération selon laquelle
« la couverture sécuritaire sera assurée dans les mêmes conditions ».
Plusieurs questions se posent en effet :
1.
Qu’en
sera-t-il, à effectif moindre, des patrouilles de nuit quotidiennes sur la
ville ?
Quelques études concernant les villes ayant déjà
connu le transfert, montrent qu’après 6 à 12 mois pendant lesquels il faut bien
rassurer la population sur la viabilité du transfert, la fréquence des
patrouilles baisse fortement.
2.
Qu’en
sera-t-il de l’accueil de nuit ?
La lettre du ministre confirme qu’il sera assuré,
mais ne prend aucun engagement sur les modalités de cet accueil. Comment être
sûr alors qu’on échappera au système dérisoire, mis en place ailleurs, dit du
« planton couchant », soit une personne qui dort sur place, gère le
plus simple et le plus urgent, et demande dans la plupart des cas aux personnes
de revenir le lendemain ?
3.
Quels
seront les délais de traitement des plaintes avec un gendarme affecté à la brigade de recherches pour 17 000
habitants, contre 6 policiers actuellement ? Rappelons l’excellent taux
d’élucidation à mettre au crédit du commissariat. C’est une curieuse conception
de la méritocratie républicaine de « remercier les gens » au moment
même où leur travail est le plus reconnu.
4.
Il faut
aussi informer les Romorantinais que la main-courante n’existe pas en
gendarmerie ; ce qui veut
dire concrètement pas d’enregistrement écrit de faits comme les litiges
commerciaux, la non présentation d’enfants suite à séparation, les différends
de voisinage etc.
5.
Et pour
compenser, comptez-vous embaucher à terme d’autres policiers municipaux, rétribuer en heures supplémentaires ceux qui
existent déjà, c’est-à dire combler le déficit de l’État par le recours aux
finances locales ?
Il y a donc de sérieux doutes à avoir sur le
maintien du niveau de sécurité après transfert, pour les deux raisons que j’ai
mises en avant : en raison des effectifs si l’on veut bien compter
normalement, et en raison des différences dans la nature et l’organisation des
missions des uns et des autres. Ces doutes sont souvent devenus réalité dans
les villes qui ont déjà connu le remplacement de la police par la gendarmerie.
La presse que j’ai consultée en a donné des exemples. Je n’en donne
qu’un : à Guingamp, l’accueil de nuit a été arrêté au bout de 6 mois.
Ces doutes, aujourd’hui, d’autres municipalités
concernées parla vague actuelle de fermetures, les prennent au sérieux, preuve
sans doute qu’ils sont fondés.
Ainsi, à Saint Gaudens, la lutte solidaire
de tous les élus : mairie, député, sénateur, président du conseil général,
a abouti à l’annulation de la décision de fermeture. Je vous rappelle que, dès
le début, le sénateur PS a déclaré que la fermeture n’était pas négociable et
qu’il fallait s’y opposer sans discuter. On voit bien la différence de
stratégie avec ce qui a prévalu ici.
A Thouars, devant la solidarité des élus, la décision a été reportée.
A Castelnaudary, où la décision est maintenue, le maire PS de la ville a rendu sa carte
après 30 ans d’adhésion.
A Dinan, les policiers soutenus par les élus, continuent de refuser la décision en
refusant de prendre les fiches de vœux.
Il est peu probable que dans ces villes il y ait
eu d’excellentes raisons de refuser la fermeture des commissariats, et ici
d’excellentes raisons de l’accepter.
Il serait dommageable d’affaiblir le front du
refus, en n’y apportant pas notre contribution car, qui sait si le ministre, à
condition que ce front s’élargisse, ne sera pas au final contraint
politiquement de revoir sa copie pour l’ensemble des commissariats ?
Il serait également dommageable d’envoyer comme
signe à l’État qu’en matière de suppression et de restructuration des services
publics, à Romorantin, on peut y aller ! On peut alors craindre que la
sous-préfecture ne suive bientôt, après d’autres services depuis 10 ans.
C’est donc au nom de la raison, avec la conviction
de défendre l’intérêt général et de parler pour les plus de 4 000
Romorantinais qui ont plébiscité le commissariat en signant la pétition, que je
demande que la délibération proposée soit modifiée dans le sens du refus de la
décision ministérielle, et qu’ainsi nous allions jusqu’au bout de notre
démarche d’opposition initiée par le vote unanime du 5 novembre 2012, en
renvoyant la décision vers le Conseil d’État.
Et comme je n’ai qu’un espoir mesuré d’être
entendu, je m’adresse pour finir à vous, conseillers municipaux de la majorité,
vous qui avez manifesté plusieurs fois avec les policiers et avec la population,
je vous demande de voter en conscience, et non selon la
consigne. »
PS : aucune réponse sérieuse n’a été donnée
aux questions posées dans cette intervention. Le maire a lu la liste des
missions de la gendarmerie.
Quand les gendarmes auront à faire toute la liste de ce que Monsieur le Sénateur-Maire, premier magistrat de la ville, a énuméré. |
Illustrations choisies par A. Stedransky
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